Il fait un froid de canard ce matin car Patrice nous a mis la climatisation à 18°C hier soir et a oublié de l’arrêter ! Je bataille un peu avec la cafetière, un modèle italien qui va sur le feu et dont le joint est un peu fatigué. J’obtiens un breuvage marron foncé assez loin du café que j’aime mais qui fera quand même l’affaire !

Première sortie en direction du marché du Rialto. Fruits, légumes, poissons. Les goélands surveillent avec grand intérêt les étals des poissonniers. A noter les jolis chapiteaux sculptés du marché aux poissons (Pescheria).  Achat de prunes et de tomates puis recherche vaine d’une supérette vendant des filtres à café en papier. Nous revenons quand même avec de quoi nous faire un sympathique petit déjeuner que nous prenons sur notre terrasse, heureusement à l’ombre à cette heure matinale de la journée.

Quartier San Marco : en nous dirigeant vers le pont de l’Académie nous empruntons une des rues les plus fréquentées de Venise (avec la liaison Piazza San Marco-Rialto). C’est donc sur ces trajets que l’on trouve les enseignes de luxe (Chanel, Vuitton et autre Jimmy Choo) qui pour nous n’ont aucun intérêt, mais aussi des magasins d’art (tissus somptueux, antiquaires, papiers marbrés) et des galeries d’art. Dans l’une de ces galeries nous admirons les statues plus vraies que nature de l’américaine Carole Feuerman (que nous avions découverte dans une galerie à New York en 2010), les étonnants tableaux en relief de Patrick Hugues (perspective inversée), les tableaux poétiques et très colorés de Yoël Benharrouche et la série Travellers de Bruno Catalano, des statues grandeur nature de personnages dont les silhouettes sont partiellement effacées.

Quelques belles églises et charmantes places sur le chemin : Santa Maria del Giglio avec sa façade baroque toute blanche et ses décors de bateaux, le Campo San Maurizio, le Campo San Stephano avec la statue de l’écrivain Niccolo Tommaseo, surnommé « le chieur de livres » car il semble être assis sur une pile d’ouvrages. Sur un mur de la Scuola des Albanais, on remarque un bas-relief représentant Mahomet devant le château de Scutari à Constantinople.

Traversée du Pont de l’Académie pour gagner le quartier du Dorsoduro. Depuis le pont on domine l’élégant Palazzo Cavalli Franchetti.

Patrice a l’œil sur l’itinéraire et je le suis le nez au vent (je serais bien incapable de retrouver mon chemin). Venise est remplie de détails qui attirent l’œil, ici une sculpture, une patère, une jolie porte, la margelle d’un puits… Sur le Campo San Agnese, on découvre la voûte comblée du Rio Tera des Gesuati. La clé de voûte porte un blason décoré du chien de saint Dominique. Il s’agit de la voûte d’un ancien canal qui passait sous l’église des Gesuati et qui a été comblé comme de nombreux autres canaux après la chute de la Sérénissime en 1797. On appelle Rio Tera les rues qui épousent le tracé de ces anciens canaux.

Le Dorsoduro est un quartier charmant où de nombreuses maisons ont de petits jardins, bien cachés derrière leurs hauts murs, mais dont la végétation déborde dans la rue : lauriers rose, pittosporum, glycines. Avec la chaleur les cigales s’en donnent à cœur joie.

Gondoles : A la proue des gondoles on trouve le Fero da prova qui sert à contrebalancer le poids du gondolier. Il porte 6 dents horizontales sur le devant (qui correspondraient aux 6 quartiers de Venise) et une dent postérieure (pour la Giudecca). La forcola est une pièce de bois (façonnée sur mesure) qui sert à maintenir la rame pendant la nage. Elle est précieuse et le gondolier l’emporte avec lui lorsqu’il quitte sa gondole.

Fondamenta Bragadin, nous nous arrêtons pour déjeuner au Ristaurante Cantinone Storico qui propose des spécialités vénitiennes : bresaola avec roquette et parmesan, sardines marinées aux oignons et brandade de morue avec de la polenta. C’est bon, l’endroit est très agréable et les prix sont corrects.

Visite de la Fondation Peggy Guggenheim. Nous avons bien fait de réserver nos tickets à l’avance car, sans pré-réservation, la queue est longue et l’attente ne donne pas l’assurance de pouvoir entrer ! La collection d’art est installée dans le Palazzo Venier dei Leoni qui date du 18eme et qui ne possède curieusement qu’un étage.

Depuis notre dernière visite, les locaux ont bénéficié de restaurations et il nous semble qu’il y a plus d’œuvres exposées. En raison du coronavirus, le nombre de visiteurs est limité à 5 par pièce, ce qui n’est pas du tout désagréable pour pouvoir admirer les tableaux de Magritte, Dali, De Chirico, Tanguy, Max Ernst (ancien mari de Peggy), Klee, Modigliani, Chagall, Kandinsky, Léger, Miro… On partirait bien avec quelques toiles sous le bras !

Jolie terrasse donnant sur le grand canal. Elle est dominée par une sculpture de Marino Marini, un homme nu en érection sur un cheval. Peggy aurait demandé au sculpteur que le sexe soit amovible pour éviter de choquer ses voisines religieuses !

Retour chez nous en flânant. Il fait très chaud et nous nous accordons une pause au frais, avant de ressortir admirer, avec le soleil couchant, les couleurs des palais le long du grand canal.

Depuis le marché du Rialto, la vue est très belle sur la Ca d’Oro dont l’architecture délicate (et un peu orientale) est mise en valeur par le marbre rose de sa façade. Ce splendide palais du XVe siècle fut édifié par Marino Contarini. Promenade dans le sestiere San Marco jusqu’au Campo Manin gardé par un impressionnant lion ailé en bronze. Nous avons l’impression qu’il y a moins de pigeons que lors de nos précédentes visites, mais plus de mouettes, de goélands et même quelques cormorans. On voit également de minuscules poissons dans l’eau des canaux.

Ce soir nous dînons dans un petit restaurant pas loin de chez nous, la Trattoria da Cherubino. Nous commençons par un Spritz, un apéritif local, très agréable en cette période de grosse chaleur car il mélange dans un grand verre du Campari (ou de l’Apérol en version plus douce), du Prosecco (vin blanc pétillant), de l’eau de Seltz et des glaçons. Très bon repas avec melon-parme, fettucine au crabe et foie de veau à la vénitienne. Patrice finit par un sgroppino, la version italienne du Colonel (sorbet citron, vodka et Prosecco). Ambiance très sympathique. Nous passons une excellente soirée.